Cela a commencé vers la fin des années 1990. Les entrepreneurs de l’Internet étaient une nouvelle espèce, un signal faible sur le radar placide de l’avant-11-septembre-2001.

C’était la période où l’UE avançait pleine de confiance vers une ère post-historique et post-héroïque. Les échos tragiques de l’ère pré-marchande, pré-démocratique s’estompaient dans un lointain souvenir. Personne n’imaginait évidemment la possibilité d’un Brexit.

Les gens se concentraient essentiellement sur la tâche de faire de l’argent, et tout le monde avait décidé que l’Internet constituait un domaine prometteur sur ce plan. Une bulle éclatée et pas mal d’années plus tard, la promesse a été pour l’essentiel tenue. Certains parmi les titans numériques sont nés dans cette période.

Mais à l’époque la majorité des jeunes de vingt ans cherchaient plutôt à s’intégrer dans les structures économiques existantes. Le modèle de la Silicon Valley n’était pas pour tout le monde. Fréquemment en position d’outsiders, les entrepreneurs étaient alors souvent mus par une volonté de revanche.

Quelque part au cours de la dernière partie de cette décennie, la cote sociale de l’entrepreneuriat a décollé. Fonder une startup ne dépareillait plus le CV. Devenir entrepreneur fut reconnu comme un parcours de carrière valable pour les jeunes : soit ils augmentaient rapidement leur fortune, soit ils faisaient l’acquisition de compétences précieuses au cours d’un processus d’apprentissage, qui autrefois aurait été perçu comme un échec. Fonder une entreprise n’était pas loin de représenter une stratégie dominante.

L’esprit d’entreprise était également perçu comme un moyen d’éviter les jobs à la con. Comme Houellebecq le remarquait il y a plus de vingt ans, tous les emplois ne sont pas également productifs dans notre économie.

En 2016, ce tableau a de nouveau évolué. Les entrepreneurs sont devenus le coeur d’un énorme marché très convoité. Il n’a jamais été plus facile de trouver les ressources nécessaires pour démarrer une entreprise. Et l’attrait du statut d’entrepreneur a considérablement augmenté. Des films tels que The Social Network (2010) n’ont pas nuit à cette évolution.

Allez dans n’importe quelle conférence de startups aujourd’hui, et vous remarquerez un changement, non pas tant dans l’intensité, que dans l’origine de la volonté de réussir. Les gens ont encore quelque chose à prouver. Ils veulent toujours éviter les jobs à la con. Et ils ont certainement encore envie de devenir riches. Mais il y a un autre motif puissant à côté de tout cela maintenant: la uber angst, l’angoisse de l’ubérisation.

La uber angst est le produit de la perturbation de l’organisation du travail causée par le modèle en marketplace adopté par de nombreuses startups aujourd’hui – autrement connu sous le nom d’uberization. Cette vague massive et implacable de destruction créatrice, combinée avec plusieurs autres tendances, a des effets ravageurs sur les structures économiques existantes.

Voici à quoi ressemble l’uber angst.

Albert Meige a récemment montré comment l’ubérisation, les plates-formes numériques, et la forte orientation entrepreneuriale de la jeune génération pourraient converger vers une nouvelle organisation du travail qui supprime toute forme d’emploi à long terme. Ce qui est effrayant.

Notons en passant qu’Albert a vu juste en recommandant l’achat d’actions LinkedIn, en raison de la fonction centrale que cette société fournit dans la nouvelle architecture du travail.

Dans sa description de la génération «slasher» actuelle, il se peut qu’il avait quelque chose comme Emmanuelle Duez à l’esprit, entrepreneur / intellectuelle / réserviste dans la marine. Cette dernière convainc lorsqu’elle explique que la génération actuelle incarne de nouvelles règles du jeu pour les entreprises, et que les organisations ont besoin de s’appuyer sur cette génération afin de s’adapter à cette nouvelle réalité.

Emmanuelle et Albert savent que la meilleure manière de surmonter l’angoisse de l’ubérisation est de devenir soi-même un entrepreneur. Alors qu’attendons-nous pour nous lancer? Nous sommes en 2016! Ubérisons, ou soyons ubérisés!

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